Clauses de non-concurrence : quand respecter le contrat ne suffit pas à sécuriser l’employeur

Pour un employeur de bonne foi, soucieux d’appliquer à la lettre les dispositions prévues au contrat de travail, il est naturel de penser qu’un strict respect des clauses contractuelles suffit à éviter tout contentieux.

L’arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation le 29 avril 2025 vient pourtant rappeler une vérité brutale : respecter le contrat ne garantit pas la sécurité juridique. En matière de clause de non-concurrence, la jurisprudence impose des exigences qui entrent parfois en contradiction avec les stipulations contractuelles.

Dans cette affaire, un salarié licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement est informé, 12 jours après la notification de son licenciement, de la levée de sa clause de non-concurrence dans son certificat de travail. Ce délai était pourtant expressément prévu dans le contrat : 20 jours à compter de la notification de la rupture.

Mais pour la Cour de cassation, ce respect contractuel est insuffisant. La clause devait être levée au plus tard à la date du départ effectif du salarié, soit ici le jour de la notification du licenciement, l’inaptitude rendant le préavis inexécutable. La renonciation, intervenue postérieurement, est donc inopérante.

La Cour rappelle que, lorsque le contrat prend fin sans exécution du préavis (notamment en cas d’inaptitude), le salarié doit immédiatement connaître l’étendue de sa liberté professionnelle. Par conséquent, même si le contrat prévoit un délai de renonciation à la clause, celui-ci ne peut aller au-delà de la date de départ effectif.

Ainsi, le contrat est neutralisé sur ce point s’il donne à l’employeur un délai plus long.

Quand la renonciation à la clause de non-concurrence est jugée tardive ou invalide, le salarié perçoit la contrepartie financière dès lors qu’il respecte l’interdiction de concurrence, et ce, peu importe l’intention réelle de l’employeur. Et ce droit est automatique, même si l’employeur pensait avoir valablement levé la clause.

Prenons un cas concret :

Un salarié perçoit 10 000 € brut par mois. Son contrat prévoit une clause de non-concurrence indemnisée à hauteur de 40 % pendant 24 mois.
Si la clause n’est pas valablement levée, l’employeur devra verser :
4 000 € x 24 mois = 96 000 , sans contrepartie productive.

Un coût exorbitant dans certaines fonctions stratégiques (commercial, direction, recherche) — d’autant plus injuste pour un employeur persuadé d’avoir respecté le contrat.

Dans le cas d’espèce, heureusement pour l’employeur, l’impact financier a été limité : la condamnation s’est élevée à 9 000 , en raison d’un niveau de salaire modeste et d’un taux de contrepartie relativement faible.

Cette décision illustre un paradoxe de plus en plus fréquent dans les relations de travail :

Respecter le contrat n’est pas toujours conforme au droit.

L’employeur avait ici respecté à la lettre le délai contractuel de 20 jours pour renoncer à la clause de non-concurrence. Il avait même agi en bon ordre, dans un document officiel (le certificat de travail). Pourtant, il est sanctionné.

Pourquoi ? Parce que la jurisprudence considère qu’un salarié doit pouvoir, dès la fin de la relation de travail, savoir s’il est libre de travailler ailleurs. Le droit du travail impose donc une sécurité immédiate pour le salarié, qui prime sur la sécurité contractuelle de l’employeur.

1. Revoir les contrats en vigueur

Audit juridique complet des clauses de non-concurrence :

  • Délai de renonciation
  • Modalités de notification
  • Période d’application
  • Nature des fonctions concernées

Cet audit doit permettre de détecter les clauses à risque (délais trop longs, absence de précision sur la date de renonciation, etc.).

2. Former les équipes RH

Mise en place d’un protocole clair par type de rupture (démission, licenciement, inaptitude, rupture conventionnelle) :

  • Quand et comment notifier la renonciation ?
  • Quels documents doivent l’acter ?
  • Quels délais respecter dans chaque configuration ?

Une formation ciblée des équipes RH est essentielle pour éviter les erreurs d’exécution et sécuriser les procédures de sortie.

3. Anticiper la renonciation

Cela évite toute incertitude et neutralise d’emblée le risque d’indemnisation.

Il n’y a rien de pire, pour un employeur, que de découvrir — une fois la rupture actée avec un salarié stratégique — qu’une simple erreur de calendrier sur une clause de non-concurrence peut déclencher une condamnation financière majeure. Quelques jours de décalage, parfois sur un simple certificat de travail, suffisent à faire basculer un dossier.

L’arrêt du 29 avril 2025 doit être perçu comme un rappel important : le contrat ne protège pas automatiquement l’employeur si la pratique n’est pas alignée sur la jurisprudence.

Vous êtes victimes de concurrence déloyale ou d’agissements déloyaux : détournement de clientèle, non respect ou absence de clause de non concurrence, dénigrement de votre entreprise.