Salariés déloyaux et données sensibles : quand le droit du travail laisse l’employeur démuni… et comment le droit de la concurrence déloyale peut changer la donne

La protection des données internes sensibles (clients, contrats, fichiers, procédés) est aujourd’hui un enjeu crucial pour toutes les entreprises. Pourtant, le droit du travail, pourtant supposé encadrer la relation employeur-salarié, ne suffit pas toujours à protéger l’entreprise contre des agissements préjudiciables. L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 9 avril 2025 (n° 24-12.055) en est une illustration frappante. À l’inverse, un autre arrêt rendu en 2022 (n° 21-19.860) montre comment le droit de la concurrence déloyale, combiné à des outils procéduraux puissants comme la requête 145 du Code de procédure civile, peut offrir une réponse efficace pour préserver les intérêts de l’entreprise.

Dans l’arrêt Lyreco France (Cass. soc., 9 avril 2025), une salariée, chargée d’affaires, a transféré des documents confidentiels de sa messagerie professionnelle vers sa messagerie personnelle, en violation des règles internes (sécurité informatique, charte éthique, confidentialité). Elle a même effacé les traces du transfert, suggérant une volonté délibérée.

Et pourtant…

La Cour de cassation rejette le pourvoi de l’employeur, confirmant la décision d’appel qui jugeait que ce comportement ne constituait pas une faute grave, et donc ne justifiait pas un licenciement immédiat.

Les juges ont retenu :

  • L’absence de preuve de transmission à un tiers,
  • L’ancienneté importante de la salariée,
  • L’absence d’antécédents disciplinaires.

Résultat pour l’employeur :

  • Le licenciement est jugé injustifié,
  • L’entreprise doit verser des indemnités importantes (préavis, licenciement, dommages),
  • Et surtout, aucune réparation n’est possible pour le transfert du document sensible.

À l’inverse, dans l’arrêt Foncia c/ Valhestia (Cass. com., 7 déc. 2022, n° 21-19.860), la Cour de cassation adopte une position nettement plus stricte en matière de protection des données et de loyauté.

Des salariés, avant la fin de leur contrat, ont :

  • Créé une entreprise concurrente,
  • Transféré des listes de clients de leur ancien employeur vers leur messagerie personnelle,

La Cour rappelle que :

« Le seul fait de détenir des informations confidentielles obtenues durant le contrat de travail, sans autorisation, constitue un acte de concurrence déloyale. »

Et surtout : aucune preuve d’exploitation commerciale n’est exigée. Le simple transfert ou la détention suffit.

Dans l’affaire Lyreco, l’employeur s’est retrouvé dans l’impasse faute de preuve directe que la salariée avait transmis les documents à un tiers.

Or, si l’action avait été conduite sur le terrain de la concurrence déloyale, un autre outil aurait pu être utilisé : la requête 145 du Code de procédure civile.

Qu’est-ce que la requête 145 ?

C’est une procédure préventive, qui permet à une entreprise, avant même d’engager un procès, de demander à un juge l’autorisation de faire procéder à des constats, saisies de documents, extractions de données, auditions, etc., en toute discrétion (souvent par voie de commissaire de justice).

Elle est ouverte dès lors qu’il existe un motif légitime de craindre la dissimulation de preuves.

Dans l’affaire Lyreco :

  • Une requête 145 aurait pu permettre de faire constater sur les serveurs, ordinateurs ou messageries, l’éventuelle transmission des documents à des tiers.
  • Cela aurait pu renforcer la preuve d’une intention fautive, fondant soit une action en faute grave, soit une action en concurrence déloyale.
  • Le droit du travail, bien qu’essentiel, peut laisser l’employeur démuni lorsque les faits ne sont pas jugés assez graves pour justifier un licenciement.
  • Le droit de la concurrence déloyale offre un complément précieux, permettant d’obtenir réparation.
  • Anticipez ! En cas de soupçon, la requête 145 permet de préserver les preuves avant toute dissimulation.

Vous êtes victimes de concurrence déloyale ou d’agissements déloyaux : détournement de clientèle, non respect ou absence de clause de non concurrence, dénigrement de votre entreprise.